Une visite de Toronto sous l’empire Gooderham – Un peu d’histoire du 19e siècle
Peu connue, la famille Gooderham a pourtant construit un véritable empire au sein de la ville de Toronto. Ce sont des édifices comme l’hôtel King Edward et le Flatiron Building, ainsi que le quartier de la Distillerie, qui leur appartenaient.
C’est ce qu’on a appris ce dimanche 1er octobre lors de la visite organisée par la Société d’Histoire de Toronto, guidée par Rolande Smith et Dominique Guillaumant, qui a fait des recherches sur le sujet. Une quarantaine de visiteurs se sont joints au circuit débutant au quartier de la Distillerie et allant jusqu’au Flatiron Building.
L’arrivée de la famille anglaise Gooderham au Canada
James Worts et William Gooderham sont deux beaux-frères qui viennent d’Angleterre, James ayant épousé la soeur de William. Ils ont tous les deux la quarantaine lorsqu’ils décident de quitter l’Angleterre dans les années 1830.
Worts et Gooderham élaborent un plan pour s’installer à Toronto (alors York) au Haut Canada afin de construire et d’exploiter un moulin à vent sur les rives du lac Ontario. William Gooderham va rejoindre James Worts et son fils James Gooderham Worts en 1832, accompagné de 54 personnes incluant leurs familles, domestiques et 11 orphelins dont les parents sont décédés durant la traversée à cause du choléra.
Détenteurs de la plus grande distillerie au monde
William Gooderham crée la distillerie en 1837 dans le but d’utiliser le grain excédentaire provenant de leur minoterie. En 1845, son neveu James Gooderham Worts se joint à l’entreprise qui prend le nom Gooderham & Worts. Ce sera ensuite George Gooderham, le fils de William, qui deviendra président de la distillerie.
En 1859, la distillerie continue de s’agrandir avec une tonnellerie, une production laitière, des quais et des entrepôts.
La distillerie est prospère non seulement au Canada mais à travers l’Empire britannique. Elle exporte aussi en Amérique du sud, incluant Rio de Janeiro.
Durant la Première Guerre mondiale, la distillerie est mise à la disposition du gouvernement fédéral pour produire de l’acétone. Mais c’est la prohibition qui aura raison de sa santé économique. La plus grande distillerie au monde va être vendue pour permettre de s’occuper davantage des autres activités de l’empire.
Aujourd’hui, la distillerie est un site historique représentant la plus vaste et la mieux préservée des collections d’architecture industrielle victorienne en Amérique du Nord.
La construction d’un véritable empire
La famille Gooderham va investir dans la compagnie de chemin de fer Toronto et Nipissing, la vente au détail, les banques et compagnies d’assurance, les navires assurant le transport sur les lacs, l’agriculture et dans d’autres composantes essentielles du pays industriel en pleine croissance.
Afin de concurrencer les plus grands hôtels de luxe de New York ou encore de Paris, George crée une nouvelle compagnie d’hôtels à Toronto, la Toronto Hotel Company.
L’hôtel King Edward, crée en 1903 et ayant coûté 2 millions $, est donc le premier palace dans la ville. Une entrée est même réservée exclusivement pour les femmes avec des services de coiffure, massage, couture, etc. Auparavant, l’élite torontoise achetait des maisons en campagne afin de loger leurs invités.
En 1881, au décès de William, George succède à son père comme président de la Banque de Toronto et ses fils aînés commencent à siéger au conseil d’administration et à s’impliquer dans la gestion de l’entreprise.
De plus, ses fils se sont intéressés à d’autres domaines. Albert, qui était colonel dans l’armée, s’est intéressé à la recherche et à la science et plus particulièrement au vaccin contre le tétanos, la rage ainsi qu’à la découverte de l’insuline. Albert a notamment acheté des terrains afin d’y construire des laboratoires de recherche médicale afin d’éradiquer les infections.
Il était également intéressé par la musique et a participé au développement du conservatoire de musique et de l’orchestre symphonique de Toronto. En 1935, il a été fait chevalier pour ses actes de philanthropie de l’ordre Saint Michel et Saint George par le roi George V.
Tandis que George Horace, un de ses fils cadets, a choisi de faire carrière en politique et a été élu à plusieurs reprises.
Le Flatiron Building en tant que siège social de l’empire
Le fameux Flatiron Building a été construit 10 ans avant celui du même nom à New York. George a acheté le Coffin Block, un édifice triangulaire de trois étages, situé à l’angle des rues Front et Wellington afin d’y construire un bâtiment plus haut et luxueux, proche de la banque de Toronto située de l’autre côté de la rue.
L’immeuble Gooderham a servi de siège social à cet important empire industriel et commercial. Son bureau était tout en haut. De là, George avait une vue sur tout son empire: la distillerie, les docks, les chemins de fer, l’hôtel, etc.
Tous les bureaux de cet édifice étaient occupés par les entreprises des Gooderham. L’édifice était à l’image de la richesse des propriétaires avec des plafonds de 12 pieds, un des premiers ascenseurs et des coffre-forts à chaque étage.
Un des seuls édifices où le nom Gooderham est mentionné, étant le siège social de leur empire.
Une compagnie fidélisant ses employés
La plupart des ouvriers étaient encore des adolescents quand ils ont commencé dans l’entreprise. La majorité d’entre eux a fait l’intégralité de leur carrière au sein de la compagnie. Les maisons, dans lesquelles les employés habitaient, appartenaient à la famille Gooderham.
De nombreux édifices près de la distillerie ont également été construits pour les ouvriers. C’est le cas notamment de l’église Little Trinity, où on peut à présent retrouver des plaques de la famille Gooderham, ou de l’école Enoch Turner pour les enfants des employés.
Comme la famille Gooderham adorait les bateaux, chaque année, elle organisait pour ses employés et leurs familles une traversée du lac Ontario, de Toronto à Niagara-on-the-Lake.
Les nombreux descendants de la famille Gooderham
George était l’homme le plus riche de l’Ontario. À sa mort, ses taxes ont permis à l’Ontario d’effacer sa dette.
De plus, ses descendants ont hérité de sa fortune alors que George avait une très large famille incluant plus de 36 petits-enfants. Chaque enfant de cette famille a intégré les meilleurs collèges pour continuer ensuite à développer l’empire Gooderham.
En 2013, les descendants des familles Gooderham et Worts ont créé un site web qui comprend un arbre généalogique avec des photos, des documents et des histoires.