C’est maintenant une tradition, chaque année, la Société d’histoire de Toronto clos sa série annuelle Historitours par la visite d’un cimetière. Cette année, qui est la première post-covid, la Nécropole de Toronto était au programme, et cela ne pouvait pas tomber sur une meilleure journée.
En ce dimanche 6 novembre, la température était superbe. Une trentaine de personnes francophones et francophiles, et incluant une dizaine de personnes afro-descendantes, étaient au rendez-vous.
Premier cimetière non-confessionnel
Gilles Huot, qui est un guide bénévole de la Société, nous a initié au premier cimetière non-confessionnel de Toronto, fondé en 1850 dans Cabbagetown en face du parc Riverdale, et de la petite ferme du même nom.
La visite, intitulée Une fenêtre sur l’histoire des Noirs à Toronto, présentait une dizaine de monuments funéraires de personnalités noires, principalement du 19e siècle.
La visite a commencé dans la chapelle du crématorium, alors que notre guide nous a brossé un portrait rapide des environnements politiques, législatifs et sociaux en Amérique du Nord et en Europe, et de leurs impacts sur les communautés noires aux États-Unis et au Canada.
Le premier taxi à Toronto
Plusieurs des personnalités présentées avaient fui l’esclavage, grâce, entre autres, au chemin de fer clandestin. Ou ils étaient enfants d’esclaves.
Faisant preuve d’une remarquable resilience, les personnalités présentées ont eu un destin hors du commun et ont pour la plupart créé leur propre entreprise pour devenir des hommes d’affaires prospères.
Plusieurs ont été des pionniers. Comme Thornton Blackburn, un exclave originaire du Kentucky, qui parvint à s’enfuir avec sa femme et qui développa le premier service de transport public de Toronto, grâce à une calèche que les passants pouvaient héler sur la rue comme un taxi.
D’autres ont brisé bien des barrières. Comme William Peyton Hubbard, le premier conseiller municipal noir à être élu de 1894 à 1914.
Il voulait marier sa fille à un Blanc
Ou encore James Mink, un homme d’affaires qui avait épousé une Irlandaise et qui, voulant marier sa fille à un homme blanc, offrit une belle dot de plusieurs milliers de dollars.
Plusieurs se montrèrent intéressés. Malheureusement, le prétendant qu’ils choisirent était Américain, et il s’empressa d’emmener sa nouvelle épouse aux États-Unis pour la vendre comme esclave!
Cette histoire rocambolesque a d’ailleurs été romancée et a inspiré le film Captive Heart: the story of James Mink.
Le premier médecin canadien noir
Au fond du cimetière, un sentier surplombe l’intersection des rues Rosedale Valley Rd et Bayview. C’est en longeant ce sentier qu’on trouve la tombe d’Anderson Ruffin Abbott, le premier médecin canadien noir, diplômé en 1861.
Il a servi aux États-Unis dans l’armée de l’Union en tant que chirurgien pendant la guerre de Sécession. Bien qu’il soit venu en aide aux Nordistes, comme il était noir, on l’autorisait uniquement à soigner les soldats noirs.
Profiter de la nature
Ce cimetière est aussi un parc planté de toutes sortes d’essences d’arbres dont certains sont centenaires. C’était donc non seulement un lieu de recueillement, mais aussi une opportunité pour les Torontois de se promener en famille le dimanche et de profiter de la nature.
Ces visites annuelles des cimetières sont non seulement l’occasion de se remémorer les personnes disparues, mais aussi de penser à la relève. À ce sujet, la Société d’Histoire de Toronto invite toute personne intéressée et passionnée à devenir guide à contacter www.sht.ca.
Article L’Express (nov 2022) : À la découverte des Noires dans la Nécropole de Toronto