Maurice Jouenne

1984 : Ainsi naquit la Société d’histoire de Toronto

SHT

Le 28 mai 2012, lors de la 26e assemblée générale annuelle de la Société d’histoire (*) nous avions le plaisir et l’honneur d’accueillir « l’architecte » de la Société d’histoire de Toronto : Maurice Jouenne.

* Au Centre d’interprétation du Parlement temporaire au 265, Rue Front Est.

Voici ce que Maurice Jouenne nous révéla en début d’assemblée.

Dans le cadre de mon travail d’architecte, je reçus la mission de préparer les plans pour un changement de destination et pour la restauration des bâtiments de la firme « Gendron manufacturing Company », une usine de fabrication de meubles en rotin, de carrosses, de landaus, de lits et de traîneaux, usine qui venait d’arrêter définitivement ses opérations. Ces bâtiments occupent tout un ilot de terrain situé entre les rues Richmond Est (anciennement la rue Duchess), Adelaide Est et Ontario à Toronto.

L’ensemble venait d’être racheté par mon client, un certain David Kosoy qui, pour la petite histoire venait de se marier à l’ancienne secrétaire du Dr. Christiaan Barnard, pionnier dans la transplantation du cœur. L’ilot comprenait 3 bâtiments principaux dont le plus significatif donnait sur la rue Ontario.

Mon premier travail consista à faire des recherches aux archives de la ville de Toronto pour connaître la date de construction, l’utilisation au cours du temps, le caractère historique de tous les bâtiments existants afin de savoir quelle marche à suivre pour l’obtention du permis de construire.

Après avoir visionné les plans des anciens permis de construire obtenus depuis leur construction, je fus surpris de voir régulièrement apparaître les noms des propriétaires ou de leurs représentants qui étaient toujours francophones (Gendron et beaucoup d’autres que j’ai oubliés).

J’ai donc décidé d’approfondir ma recherche en voulant remonter au permis de construire original. Hélas, les documents se trouvaient dans d’autres archives plus anciennes dont l’accès était restreint. Je dus donner les raisons de ma recherche avant d’obtenir la permission du Directeur de l’urbanisme. Ce fut alors pour moi un moment d’émotion que de pouvoir effeuiller des documents ressemblant à des parchemins, signés de la propre main de M. Gendron et d’autres tels que le maire de Toronto de l’époque.

Étant alors membre du Comité français de l’Hôtel de ville de Toronto, j’ai souligné, lors de la séance mensuelle, le fait qu’au cours de mes fréquentes recherches aux archives de la ville je découvrais souvent des noms francophones. J’ai mentionné en particulier mon projet de l’époque, les bâtiments Gendron. J’ai insisté aussi sur le fait qu’il serait intéressant de mettre en valeur ce patrimoine francophone afin de ne pas l’oublier.

L’idée fut largement débattue, chacun avançant une suggestion. La séance se termina en me donnant mandat de former une sous-commission qui ferait appel à des historiens ou à toute autre personne afin de formuler des recommandations au Comité français de l’Hôtel de ville. J’en serais le rapporteur. Le nom de Pierre Fortier que je ne connaissais pas alors me fut suggéré. D’autres noms s’y ajoutèrent ensuite. Les membres de la souscommission nouvellement formée se réunirent maintes fois dans mon bureau de l’époque, au 373 rue Queen est.

Maurice Jouenne
Maurice Jouenne. Photo : SHT.
Pierre Fortier, bloc-notes à la main, guide un groupe.
Pierre Fortier. Photo SHT.

La recommandation finale de la sous-commission s’établit comme suit:

Que le Comité français de l’Hôtel de ville de Toronto mette en place les fondements d’un organisme qui privilégiera l’histoire et le patrimoine francophone de la ville de Toronto. Ce qui sous-entendait en donner les moyens financiers au départ, puis faciliter sa reconnaissance par la communauté francophone de Toronto.

Le Comité français parraina la Société d’histoire en formation auprès du Conseil municipal de Toronto. Il s’en servit comme moyen « politique » pour demander des services en français, alors quasi inexistants. Il était primordial de prouver que des francophones avaient eux aussi participé à la fondation et à la construction de Toronto. Durant le parrainage de la Société d’histoire par le Comité français des questions se posèrent, à savoir:

  • La Société doit-elle être uniquement au service des francophones de la ville de Toronto, sachant qu’ils sont dispersés aussi bien à Etobicoke, York, North York et Scarborough qui à l’époque formaient des municipalités autonomes ?
  • La Société d’histoire ne va-t-elle pas entrer en conflit ou tout au moins concurrencer la Société franco-ontarienne d’histoire et de généalogie, elle, basée à Ottawa ?

Ainsi naquit en 1984 la Société d’histoire de Toronto.

Je voudrais terminer en disant toute mon admiration pour Pierre Fortier qui s’est si fortement investi dans la création de la Société d’histoire, il en a été le moteur.

Je ne voudrais pas non plus oublier les anciens membres et les membres actuels qui continuent l’action de Pierre.

La Société d’histoire est bien vivante, merci à vous tous.

Maurice Jouenne

Notes : Maurice Jouenne est retraité en France. Pierre Fortier est décédé en 2007.